Article fait par :Claude Balmefrezol
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Le Cuistot de la grande Guerre à traversCahiers du 19° RI
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Départ de grand matin; la journée entière employée à se porter de position en position et sur chacune de ces positions, des travaux de défense. Arrivée très tardive à des destination, le plus souvent bivouac et interdiction d'allumer des feux, d'où l'impossibilité de faire cuire la viande; à deux ou trois reprises, autorisation tardive d'allumer des feux, mais alors, ordre de départ avant que rien ne soit cuit et les vives restent sur place. On remédiait à cette accident en ramassant des fruits, pommes et prunes.... les difficultés de l'alimentation, l'insuffisance du repos provoquent un état d'extrême fatigue...
Toute l'armée souffrait de la dysenterie, et si en octobre et novembre 1914, l'armée française se trouva dans une situation si terrible, elle le dut autant aux mauvaises conditions d'hygiène qu'à l'ennemi trop bien secondé hélas! par la dysenterie et la typhoïde.
Si le ravitaillement parvint en général aux troupes, fautes de roulantes on ne pouvait faire cuire quoi que ce soit..."
Pour le 19° RI la première cuisine roulante est une prise de guerre faite le 14 septembre 1914 à Sillery dans la Marne.
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NDR Pour que le soldat marche et se batte il faut entre autres qu’il est le ventre plein donc la nourriture est l'une des premières préoccupations du commandement . Chez tous les belligerants, ce sont des services spécialisés qui assurent le ravitaillement, avec dans la mesure du possible l’utilisation de produits frais. Chaque combattant transporte aussi avec lui des rations de guerre. Avec l'installation des tranchées, les services de ravitaillements doivent assurer la subsistance de millions d'hommes sur plus de 700 kilomètres de front.
Lors des mutineries de l'armée française en 1917, l'une des revendications des soldats concerne la qualité du ravitaillement. Le général Pétain rapproche les cuisines du front, institue les roulantes, augmente la proportion de légumes frais et de viande. La qualité de l'alimentation joue également sur l'état physique du soldat ; les cas de dysenteries et de maladies intestinales sont fréquents
Pour se distraire ou plutôt pour tromper la fatigue, la souffrance et la cruelle torpeur, on fume, lorsqu'il nous reste du tabac. On ne cause guère. La fatigue est trop lourde pour qu'on tente l'effort d'un dialogue. Mais on boit et l'on mange, quand on peut.
Presque toujours les ravitaillements viennent jusqu'à nous. L'intendance est fidèle, et somme toute généreuse. L' « ordinaire » de la compagnie nous offre, pour ces dures épreuves, quelques douceurs et raffinements de cuisine. Il y a des fromages qui sont bons, des pâtés qui sont onctueux, des charcuteries de première qualité et que les Boches nous envieraient, des confitures où les fruits sont authentiques. L'alcool solidifié nous arrive en quantité suffisante pour qu'on ait son café bouillant et parfois pour que chacun chauffe une gamelle. Un réchaud d'alcool et une gamelle ne tiennent pas une large place. Il arrive pourtant qu'ils soient trop larges pour qu'on les case. Il faut renoncer à installer le plus modeste fourneau. On mange donc, pendant huit à douze jours, des repas froids. Et l'on s'en lasse. Le « singe » est une viande de choix, même lorsqu'il est suivi d'une autre boîte; à la cinquième ou dixième boîte, il n'est plus qu'une insipide et coriace « barbaque ». Les boîtes méprisées traînent dans la houe. Les cuisines des compagnies font ce qu'elles peuvent pour varier notre menu. Sur les voiturettes légères qui servent aux mitrailleurs, elles chargent des viandes rôties, des salades de pommes de terre ou de haricots, des plats de riz au lait ou au chocolat. Les « corvées de soupe » vont à leur rencontre et nous apportent ces trésors dans les flancs des marmites boutéhons ou bouthéons (marmite plate)
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Dans l’armée allemande le ravitaillement est considéré comme un élément important dans en règle générale le soldat allemand reçoit des rations de meilleure qualité, notamment grâce aux "roulantes", des cuisines mobiles qui permettent de réchauffer ou de cuire des ragoûts, comprenant de la viande ou du lard et des légumes. Du côté français, les cuisines sont à l'arrière. Il faut donc désigner des soldats dans chaque compagnie pour une corvée de ravitaillement. Les hommes partent avec des bidons jusqu'aux cuisines régimentaires et reviennent les livrer en première ligne. La nourriture est froide, quand elle arrive. En cas de combat, les corvées ont du retard, si elles ne sont pas tuées.
La ration théorique du poilu est de 750 grammes de pain boule de pain ou 700 grammes de biscuit, qui reste la nourriture principale du soldat. Il est de qualité diverse, selon les périodes ou le secteur. C'est souvent du pain bis, composé d'un mélange de diverses farines. Il reçoit aussi 500 grammes de viande, 100 grammes de légumes secs, du sel, du poivre et du sucre.
du singe ou boite de corneb beef ,une boite de sardines du chocolat des pommes de terre,
de la soupe le jus ou café le barbelé ou eau-de-vie et le pinard ou vin qui remplaçait souvent l'eau, car l’eau était aussi précieuse que les munitions En hiver, on délivre du vin chaud, épicé.
Les Russes mangent surtout le Kashka, une sorte de bouillie d'avoine et de seigle. Quant à l’Allemagne, le blocus entraîne une pénurie de farine ; aussi, les services d'intendance créent des pains où la proportion de farine est de plus en plus faible. Les approvisionnements des troupes baissent, à la suite du blocus. Les soldats reçoivent de moins en moins de viande, le pain est de qualité de plus en plus médiocre, les légumes se résument souvent à des pommes de terre
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Seulement, le chemin de ces corvées est long, souvent difficile et périlleux. A travers plaine on risque dangereusement les obus et, si l'on se couche quand ils sifflent un peu près, ce n'est pas sans dommage pour les patates ou le riz au lait. Les boyaux, quand il y en a, sont plus sûrs, mais il est malaisé d'y cheminer, lorsque les jambes s'enfoncent dans la boue jusqu'au genou et que les bras portent deux boutéhons, les épaules dix bidons et dix boules de pain. Au mieux, pendant des kilomètres, le pain essuie la boue des parois; maints boutéhons perdent leurs couvercles; le rôti est assaisonné de terre, que l'on essuie; on n'essuie pas les salades de fayots ou patates, et la terre y est désagréable. La viande, à la seconde même où on la découvre, est assaillie par les nuées de mouches à cadavres. Ce n'est pas qu'on se mette en peine pour les cadavres et pour leurs mouches. Mais elles sont trop, et trop tenaces, si bien que nous appliquons scrupuleusement, presque tous, la maxime chère au cœur d'Harpagon: « II faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger. » Nous écririons même: « II faut manger pour ne pas mourir de faim. » Nous nous contentons de ne pas mourir de faim grâce à quelques tablettes de chocolat, tranches de fromage ou tartines de confiture.
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Lors des combats, le ravitaillement est encore plus difficile à assurer. Le soldat porte une ration de combat, composée de 300 grammes de biscuit, dit "pain de guerre", et de 300 grammes de viande de conserve la le singe ou Corned beef. Quand il l'a consommée, le soldat doit attendre l'arrivée du ravitaillement. Une attente qui dure parfois plusieurs jour comme c'est le cas lors de la bataille de Verdun ou dans l'Argonne, où l'intensité des combats est telle que le ravitaillement ne peut plus être assuré
La soif est malheureusement plus impérieuse que la faim. Les deux litres qu'emportent nos bidons sont vite épuisés. Le ravitaillement nous monte régulièrement un quart de café, un demi-litre de « pinard ». Ce qui suffit, à peu près, pour ceux dont le gosier ne s'assèche pas facilement et quand il ne fait pas trop chaud. Mais on peine durement presque toujours, et presque toujours « il fait soif ». Le problème de la soif est souvent cruel. Sur la rive gauche de la Meuse, il n'y a pas d'eau. Sur la rive droite, au bois des Caurières, par exemple, il y a des sources excellentes. Mais les Allemands, qui y ont vécu, les connaissent comme nous. Ils y précipitent jour et nuit tant d'obus que les hommes qui en vont goûter l'eau risquent chaque fois d'y perdre le goût du pain. On creuse des puits, bien abrites sous des sapes; mais il faut du temps pour les creuser et des terrains qui s'y prêtent. Les trous d'obus sont souvent des mares, et l'on y boit. Mais les plus rassurants d'aspect servent presque toujours de tombes à des cadavres: les assoiffés ont des scrupules..
Reste le tonnelet d'eau que le ravitaillement peut nous monter, sur notre demande. On y emplit des bidons qui transportèrent, dans leur premier destin, de l'essence. Seulement l'eau est lourde. Chaque escouade, de quinze, vingt, vingt cinq hommes, ne peut en détacher, en corvée de soupe, que deux ou trois, pour ne pas trop s'affaiblir. C'est quinze à vingt kilos de fardeau supplémentaire. Bien des bidons sont restés dans les boues de l'Artois ou de la cote 304. En outre les bidons sont aussi fragiles qu'ils sont pesants. Ils se dessoudent sous les chocs.
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L'autre problème est l'eau. Les soldats ont un bidon de un à deux litres d'eau. Pour la purifier, ils y jettent des pastilles ou la font bouillir. Lors des batailles intenses, les soldats de première ligne sont isolés et leur ravitaillement en eau est mal assuré. Beaucoup de combattants décrivent leur soif, alors qu'ils sont cachés dans des trous d'obus ou croupissent plusieurs jours dans une eau sale.
Le moindre éclat d'obus les traverse. J'ai connu des minutes nostalgiques, sur les pentes de la cote 304, par une torride journée du mois d'août. C'était un beau bidon de dix litres, ingénieusement placé dans une enveloppe de sac. Il se portait commodément sur le dos. Un poilu dévoué l'avait transporté, à travers mille embûches, jusqu'à notre demi-section qui avait soif. On l'avait remisé dans un trou, pour l'après-midi. Et l'on avait bu, sans remords, le quart de café et la chopinc de pinard. Journée brûlante mais pacifique. Les obus les plus proches tombaient à trois cents mètres. Seulement lorsqu'on vint consulter le bidon, il était vide. Par delà les trois cents mètres, au fond du trou, un minuscule éclat d'obus était venu trouer le sac et la tôle. Son eau pure avait fui goutte à goutte. « N'y touchez plus, il est percé. »
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Les combattants sont en général assez mal nourris lorsqu'ils sont en première ligne dans les tranchées. . Ils ont faim. Les combattants essaient de se débrouiller comme ils le peuvent ; lorsqu'ils capturent des lignes de tranchées ennemies ils récupèrent le ravitaillement et ils n'hésitent pas non plus à manger les chevaux tués au combat Pour améliorer l'ordinaire, le Système D marche et on a recours aux "mercantis" qui sont des commerçants ou des paysans qui se rendent sur les lignes pour vendre au prix fort de la nourriture ou des boissons. Qui n’a pas connu au temps du Service national les stands ambulants de nourriture qui étaient positionnés pas loin des champs de tir , et qui proposaient des sandwichs ou des boissons aux jeune bidasses
II y a, sans conteste, pour la faim et pour la soif, des journées plus tragiques. Les haricots à la terre sont une médiocre pitance. Il est plus pénible de n'avoir ni haricots, ni pain, ni biscuit, ni café, ni vin, ni eau. Les disettes sont, à l'occasion, celles des jours de grande bataille où les ravitaillements s'égarent, s'arrêtent devant d'infranchissables tirs de barrage ou se font tuer. Il y a aussi - soyons justes - bien des jours de bombance ou de confort même dans les secteurs tourmentés de Verdun. Les cuisiniers de compagnie disposent presque tous d'une vaste cuisine roulante munie d'une chaudière, de deux marmites et d'un four. C'est tout ce qu'il faut pour varier les menus, des daubes aux rôtis, et des mirotons aux ragoûts. L' « ordinaire », judicieusement administré, est assez riche pour acheter à bon compte (un bon compte relatif) aux coopératives du régiment des « suppléments » qui complètent savoureusement les denrées de l'intendance: sauce tomate, lait condensé (avant qu'il fût trop coûteux), haricots verts, thon, salades, voire lapins ou petits pois. Les secteurs sont calmes parfois, ou à peu près, ou bien le ravitaillement est audacieux. Ses voiturettes s'avançaient au bois de ... jusqu'à trois cents mètres des lignes boches. Les chefs-d'œuvre du cuisinier nous arrivent dans d'excellentes marmites norvégiennes où la chaleur et les arômes se maintiennent. Ou bien les abris sont assez spacieux. On s'installe. Des réchauds flambent où l'alcool solidifié ne manque jamais. Pour ceux qui ont quelque pécune, le sergent-major achète aux « Gopés » NDR Mercantis ou civil )et transmet beurre, lait, œufs, conserves. A bon compte - ou presque- on élabore des menus prestigieux. Nous mettons en commun nos souvenirs culinaires, qui sont courts. On improvise quand on ignore. Peut-être ces festins sont-ils en vérité bien médiocres. Mais il suffit qu'ils nous semblent dignes de Lucullus. L'illusion, lorsque l'on mange, se confond avec la réalité.
Qu'importe à Lucullus sa table, si Lucullus n'a pas faim? Il y en a beaucoup parmi nous qui ne se doutaient pas, avant la guerre, que vivre, c'est d'abord boire, manger, dormir. Ces joies animales nous étaient si aisées ou si familières que nous les ignorions, comme l'air que nous respirons. La vie de tranchée nous aura révélé le plaisir de vivre comme des bêtes, heureuses lorsqu'elles sont repues et qu'elles peuvent s'étendre. Je le dis sans ironie. Il n'est pas mauvais d'apprendre, par l'expérience, qu'il y a dans nos âmes trop compliquées et nos vies souvent mensongères trop de vains désirs et trop d'exigences trompeuses. Nous aurons appris à juger à leur valeur les complications des sens. Je ne dis pas celles de l'esprit. Car la vie physique, lorsqu'elle est simple, laisse à celle de l'esprit toute sa place.
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La roulante
Le triomphe - au point de vue culinaire - de la guerre moderne, c'est la « roulante ». Quand on la voit passer sur une route, cette grande caisse montée sur roues, menaçant le ciel d'un tuyau qui fume, hérissée d'objets hétéroclites: marmites, seaux, as de carreau, etc., roulant et brinqueballant avec un étrange bruit de ferraille, on se demande quel bizarre engin a été ainsi conçu par l'esprit de l'homme pour tuer d'une façon neuve et terrible. Débarquant, fraîchement peinte, de l'intendance, la « roulante » impressionne désagréablement. Elle n'est pas sympathique. Elle semble étrangère. Ses lignes sèches, ses contours froids, le gris éteint dont elle est camouflée, son air anguleux et trop propre, tout cela la distingue, la sépare du poilu, qui ne l'accepte d'abord qu'avec méfiance. Mais il se familiarise à l'user. Peu à peu, la « roulante » perd sa physionomie revêche, s'orne de perfectionnements inédits, reçoit des additions que n'avait pas prévues de constructeur. Ses flancs supportent la boîte d'outils qui appartient au perruquier de la compagnie, des sacs gonflés d'on ne sait quoi, une cage où siffle éperdument un serin jaune et déplumé. La peinture s'écaille, prend des tons de terre et de mousse, et bientôt la « roulante » est à l'irrfage du poilu, elle est à sa couleur. C'est maintenant une excellente camarade, active, obligeante - la gueule toujours ouverte. Au point de vue pratique, la « roulante » est une trouvaille de valeur. Elle permet de préparer la soupe au cours des marches, aussi facilement que sur les fourneaux des cuisines de dépôt Lorsque le régiment s'arrête, que les hommes posent leur harnachement et secouent leurs épaules lasses, les « roulantes » s'alignent en file bienveillante, et les cuistots, l'énorme cuiller accoutumée en main, s'apprêtent à remplir les plats.
Les « popotes ».
A l'arrière, dans les périodes de repos, les « roulantes » continuent leur office. Mais elles sont dédaignées par tous les poilus qui peuvent former des « popotes ».
La « popote » c'est un groupe de soldats « hors rang »: cyclistes, musiciens scribes, etc., assez important, pour jouir d'une certaine autonomie, pas assez pour former une section. N'étant pas spécialement affectés à une compagnie, ces soldats peuvent toucher leurs vivres à part, et ils en profitent pour manger mieux. Il est plus aisé, en effet, de faire de la bonne cuisine pour une vingtaine d'hommes seulement que pour une compagnie.
Les participants à la « popote » ont la faculté de se cotiser chaque jour afin de corser le menu. La viande et les légumes étant fournis par le régiment, il suffit de peu de chose pour relever l' « ordinaire ».
Varier le menu, les cuistots du front n'ont pas d'autre souci, mais pour rompre la monotonie de « la soupe, du bœuf et des fayots », il faut de' l'ingéniosité. On n'a pas tous les jours la chance d'avoir à proximité un petit étang poissonneux, où quelque obus boche vienne soudain éclater et mettre ventre en l'air anguilles, carpes et tanches. Les hommes raffolent des œufs. Mais l'œuf est rare sur la ligne de feu. Un cuistot a tout de suite pensé à envoyer des hommes de corvée piller les nids des corbeaux. Le premier essai de cette omelette inédite a soulevé des tonnerres d'applaudissements et les arbres ont désormais d'infatigables visiteurs. Voici encore le hérisson qui, cuit sous la cendre chaude à feu doux, fournit un mets de choix.
Quant au chapitre des entremets, il n'est pas oublié. Voyant ses poilus faire grise mine aux marmites de riz et s'écrier d'un ton déçu: « La colle de pâte! Heureusement qu'on n'a pas Joffre à dîner! », un cuistot a trouvé le moyen d'écouler son riz en régalant ses hommes. Il l'a mélangé savamment d'une onctueuse compote de pommes en recouvrant le tout d'une épaisse couche de chocolat. Cet entremets-là, c'est le succès du jour.
Un cuisinier du 54e territorial, Louis Martin, triomphe de son côté avec une recette de biscuit. Le biscuit, on sait cela, bien qu'il soit d'ailleurs d'une excellente fabrication, n'a jamais eu l'heure de plaire au soldat. Il faut pourtant bien, de temps en temps, en campagne, ménager le pain frais. Louis Martin a résolu le problème et un officier de son régiment a tenu, pour lui garder devant la postérité le brevet de sa création et célébrer ses talents de cuistot, à communiquer sa recette: « Mettez à détremper les biscuits dans l'eau, ou de préférence dans du lait (le lait condensé est parfait pour cet usage) et laissez-les bien gonfler. Retirez-les ensuite délicatement, pour ne pas les briser; égouttez-les de façon qu'ils soient bien épurés. Puis faites frire dans la graisse, en ayant-soin qu'ils baignent entièrement. Les retirer, les saupoudrer de sucre et les arroser de rhum, de kirsch ou de madère. Servez chaud. » Régal de héros, imaginé entre deux attaques, le biscuit à la Martin n'est-il pas désormais entré dans la gloire? Mais il est bien impossible d'énumérer toutes les trouvailles culinaires qui germent dans le cerveau en travail d'un cuistot pour le plus grand régal de nos poilus!
NDR
Tranchée Allemande Source Internet | Tranchée française Source Internet |
La tranchée, est l'endroit où le fantassin passe le plus de temps. Il s'y bat, mais la plupart du temps, il y dort, il y mange et se distrait
. Le sommeil aussi est essentiel. Dans les tranchées, les soldats dorment dans des casemates, souvent protégées sous d'importantes masses de terre. Elles sont quelquefois décorées mais l'atmosphère y est souvent humide et insalubre. Les hommes dorment le plus souvent sur des paillasses ou des matelas fins. Durant les longues préparations d’artillerie, dans le tonnerre des obus et l'appréhension de la mort, il est difficile de dormir. Lors de la bataille de la Somme, les lignes allemandes ont été pilonnées pendant une semaine ; même les soldats les plus aguerris ne peuvent trouver le sommeil, malgré la fatigue. Il s'ensuit un état indescriptible de tension nerveuse
de plusles soldats doivent également assurer la veille. Durant laquelle ils observent les mouvements de l'adversaire. Des patrouilles de quelques hommes, commandées par un officier, un sous-lieutenant ou un lieutenant, s'aventurent dans le no man's land pour capturer un soldat ou rechercher des renseignements.
Effectuées de nuit, elles sont toujours dangereuses. Les hommes doivent se glisser hors de leur tranchée, passer les réseaux de fil de fer barbelé pour atteindre les lignes adverses. En cas de bruit, l'ennemi lance une fusée éclairante et les hommes se retrouvent sans aucune protection au milieu du champ de bataille
Extras Pour les Jours de Fete
Les grandes fêtes de l'année, rares oasis de joie dans une existence d'enfer, sont l'occasion d'un « gueuleton » de poilus, et ces jours-là le cuistot se distingue.
Voyez plutôt ce qu'offrirent à Pâques, l'an dernier, le 4 avril, le maître queux Guillaume Eynard et le sommelier Armand Joly à leurs hommes du 222e d'infanterie sur le front de Lorraine: 0 Sardines de la Cannebière à l'huile; radis de Xon; beurre de Lorraine; pâté de foie à la Joflre; gigot de mouton de Crévic au cresson de Parroy; petits pois d'Alsace à la Revanche; salade frisée d'Arraucourt; beignets aux pommes de la forêt de Bezange; oranges de Tanger; madeleines gauloises; cigare national; cru de l'ordinaire et vin du Rhin; café, fine, liqueurs. » Et le réveillon du 3e bataillon du 24e d'infanterie soutenait la comparaison avec ce confortable menu: « Potage vermicelle de la Triple- Entente; hors-d'œuvre; sardines de Kiel; entrée... des Boches à Paris; rôti sauce Victoire; macaroni fauchant des tranchées; gâteau de riz d'Outre-manche. » Quant au dessert, il fut abondant et tout aussi martial: «Biscuits longs 155; pruneaux de 75; éclairs à la mélinite; shrapnells au chocolat; cœurs d'Arras; Champagne de Reims; café et thé des Alliés. »
La vie quotidienne du Cuistot
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N'allez pas croire maintenant que la journée du cuistot se passe à l'abri du péril, à soigner le rata.
Deux fois par jour, au petit matin et à la tombée de la nuit, son sac de pains sur le dos, une marmite à chaque main, il lui faut filer le long des cinq ou six kilomètres de boyaux, heureux quand les trous d'eau trop nombreux QU trop profonds ne l'obligent pas à renoncer à cette voie relativement sûre pour grimper en terrain découvert.
Bombardements, fusillades, rien ne l'arrête. Les marmites, ça la connaît! Ce ne sont pas celles des Boches qui l'empêcheront de porter les siennes. Celui-là, c'était un grand diable de Sénégalais noir comme l'ébène. Avec son énorme récipient de soupe, sa casserole de ragoût et son seau de café, indifférent à une trombe de fer, il s'en allait coupant, à court, loin des boyaux. De loin les soldats lui criaient: « Couche-toi, grand maboul. Tu vas te faire démolir! Mais lui, riant de toutes ses dents blanches et ne songeant qu'à ne pas perdre une goutte de jus: Cuistot pas peur. Obus pas entrer dans peau noire. »
Anecdote
L'autre jour encore ,c'était pendant . un arrosage dans des tranchées voisines de Lunéville un commandant aperçoit de son poste-abri deux cuistots qui viennent à lui au milieu des explosions, aussi tranquillement que si de rien n'était. « C'est absurde, s'écrie l'officier, s'efforçant, malgré son admiration pour tant de calme bravoure, de prendre un ton furieux, c'est idiot de s'exposer aussi inutilement. Il fallait attendre! » Alors l'un d des cuistots, du ton candide d'un héros qui s'ignore: « Mais, mon commandant, c'est du rognon. Vous savez bien que le rognon n'attend pas! »
Combien déjà ont eu l'honneur de la citation à l'ordre de l'armée ! Voici, par exemple, Pierre Simon, soldat de 2e classe, aide de cuisine au 76e territorial. Faisant partie d'une corvée qui allait porter le repas aux tranchées de première ligne, sous un feu a violent, a répondu à l'un de ses voisins qui lui conseillait d'attendre une accalmie: « Ils se battent là-haut, ils ont faim, ils auront à « manger! »
Voici encore le brave Théo. Les batteries allemandes, qui préparaient une attaque, balayaient la crête que Théo devait traverser pour aller dans la tranchée où il était attendu. C'étaient des rafales de shrapnells, des effondrements de marmites. Théo courbait le dos, mais ne ralentissait pas sa marche. A cent mètres de la tranchée, un obus tombe à ses pieds. Un éclat le frappe au flanc gauche. Le sang jaillit sur sa capote. Il résiste à la douleur, il se traîne avec ses marmites jusqu'à la tranchée. Alors seulement il s'évanouit.
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II s'est acquitté entièrement de sa tâche. La cuisine est intacte et la boue n'a pas sauté dans le rata. C'est le principal pour Théo, qui est aujourd'hui en convalescence et émerveille ses infirmiers par son inépuisable gaieté.
Vatel mobilisé s'est couvert de gloire. Il a abattu plus, d'un Boche au tableau. Quand il déambule le long du front, il a beau être chargé comme un mulet, qu'un ennemi par aventure vienne à tomber sous sa patte et il ne manque point de l'accommoder proprement. Le 6 mars 1915, Jean Bonnefous, chasseur de 1re classe, cuistot au 6e bataillon, cité à l'ordre de l'armée, porte la soupe aux hommes de son escouade, quand à quelques mètres de la tranchée il se trouve soudain nez à nez avec un Boche, qui a réussi, à la faveur du brouillard, à se glisser dans notre ligne. Bonnefous ne fait ni une ni deux, il met à terre son matériel, empoigne à deux mains sa marmite de soupe brûlante, en coiffe le Boche jusqu'aux épaules et l'expédie dans l'autre monde.
Car donner un coup de main aux camarades, c'est un plaisir auquel le cuistot ne résiste pas, et il ne vit pas, lui aussi, dans l'odeur de la poudre sans être grisé par elle.
Anecdote
Soyez certains qu'au chapitre des ruses de guerre, le cuistot né malin a écrit de sa propre main plus d'une belle page. C'était aux premières semaines des hostilités. Les habitants de R... venaient de fuir leur petit village à l'approche des Allemands. Quatre hommes d'un régiment colonial, sous la conduite de leur cuisinier à la recherche de provisions, passaient en revue les maisons abandonnées. Sur la table d'une auberge s'offrait à point nommé une merveilleuse provende, un jambon magnifique, trois grosses poulardes, un long chapelet de saucisses, une motte de beurre, des fruits. Par bonheur, le feu dans la cheminée couvait encore sous la cendre, entretenant la chaleur parfumée d'un pot-au-feu.
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Les cinq coloniaux se disposaient à faire main basse sur ces délices quand, à l'entrée de la grand ‘rue, les uhlans apparurent. Le cuistot ne perdit pas la tête. D'une bourrade il poussa ses hommes dans une petite pièce voisine et, commençant à vider ses volailles tranquillement, attendit. L'officier allemand était déjà sur le pas de la porte, monocle à l'œil et ricanant: «Un cuisinier, parfait. Tu dresseras dix-neuf couverts, et que ce soit bon, hein? et vivement prêt. Dans une demi-heure! »
Feignant de trembler des quatre membres et de claquer des dents, le cuis.tot promit d'être exact.
A peine les uhlans avaient-ils tourné les talons, que les cinq coloniaux, vifs comme de jeunes mitrons, ranimaient le feu, couchaient les saucisses sur le gril, embrochaient les poulardes, dressaient une table splendide avec la plus fine vaisselle et la plus belle argenterie de l'auberge, fauchaient même les fleurs du jardin pour en joncher la nappe. Puis, de nouveau, le cuistot resta seul
Un hoch ! de joie rendit hommage; à la belle ordonnance du festin et, l'eau à la bouche les dix-neuf officiers déplièrent leurs serviettes
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« Peut-on servir, mon capitaine?
Tout de suite, et gare à toi si ça traîne!
« Ça ne traîna pas ». Et saisissant son long couteau de cuisine, le cuistot lança: « En avant! mes enfants. Servez chaud, à la baïonnette, et vive la France!
Les dix-neuf officiers n'eurent même pas le temps d'esquisser un geste. La pointe haute, les quatre coloniaux bondissaient de leur cachette. Tous les uhlans levèrent les mains, et nos cinq braves emmenèrent triomphalement leurs dix-neuf prisonniers, leurs saucisses, leur jambon et leurs volailles.
Anecdote
Une section entière de cuisiniers a renouvelé en grand l'exploit des coloniaux. Poussant une pointe audacieuse, un bataillon a laissé en arrière à l'orée d'un bois une section de trente-cinq cuisiniers pour préparer la popote, et chacun surveille attentivement sa marmite, quand soudain sur la route retentit le pas cadencé d'une troupe en marche. Un gros détachement allemand, venu on, ne sait d'où, s'avance droit sur le bois! L'un des cuistots trouve aussitôt la clef de la situation. Il fait filer à pas de velours dans les fourrés ses trente-quatre camarades et, seul, s avance d'un pas ferme et autoritaire au- devant des Allemands.
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« Bas les armes ! Rendez-vous, ordonne-t-il, ou vous êtes tous massacrés! »
Décontenancés, les officiers arrêtent leurs hommes, se consultent. «Assez causé, n'est- ce pas, répète le cuistot, ou je fais ouvrir le feu! » A sa menace, répondent, du fond du bois, de mystérieux coups de sifflet et des claquements de fusils qu'on arme.
Convaincu qu'il est tombé dans une embuscade, le commandant du détachement se rend immédiatement. Mais comment diable s'y prendre pour désarmer toute cette bande? Attendez, notre cuistot n'a pas encore vidé le fond de son sac. Il jette un ordre et les officiers, les premiers, déposent leurs armes. Un second commandement et, rang par rang, les soldats s'avancent, vont à cent mètres de là abandonner leurs fusils au revers du fossé, et reviennent ensuite, manœuvrant au doigt et à l'œil, s'aligner le long du bois. Le dernier Prussien est désarmé. Maître de la situation, le cuistot, lance alors un long coup de sifflet.
Ses trente-quatre camarades surgissent des fourrés, baïonnette en avant. Les officiers allemands poussent un cri de rage. Une trentaine! Les Français n'étaient qu'une trentaine! Trop tard, Herr Hauptmann, vos 140 Boches sont désormais rayés des contrôles de l'armée de Sa Majesté et prennent déjà le chemin des camps de concentration.
Résumé
Aussi débrouillard dans les aventures de guerre qu'industrieux devant ses fourneaux, aussi intrépide sous les obus qu'attentif aux désirs de ses hommes, n'est-ce pas que le bon cuistot mérite, lui aussi, l'admiration que la France témoigne à tous ses soldats? N'est-ce pas qu'il s'est hautement acquis le droit de dire, en brandissant couteaux et fourchettes, qu'il a le cœur aussi bien trempé que sa soupe?