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Vaud Avenches Aventicum Amphithéatre



Vaud Avenches Aventicum Amphithéatre
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Merci à Damien Marcellin Tournay pour les photographies

 


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L’amphithéâtre d’Avenches est le dernier grand monument public de la capitale des Helvètes, édifié dans le deuxième tiers du IIe siècle de notre ère. Monument du type « à structure pleine », il est cependant entièrement bâti en structure creuse de petit appareil aux deux extrémités de son grand axe, là où se trouvent les accès à l’arène et, pour le côté oriental, les entrées latérales conduisant de l’avant-cour au sommet du mur de podium (fig. 1). C’est là, sur les premiers gradins et dans la loge située sur le petit axe, au centre de la cavea sud, que prenaient place les magistrats, l’éditeur des jeux, les citoyens d’importance venus de toute la civitas.

Fig. 1 — Les accès orientaux, de l’avant-cour (à droite) à l’arène (à gauche). Relevé, éch. 1:250.

Bridel, Philippe, L’amphithéâtre d’Avenches, Lausanne, Cahiers d’archéologie romande, 2004 (Cahiers l’archéologie romande 96, Aventicum XIII), plan 4.

2L’arène est bordée, au sud seulement, d’un couloir (fig. 2, cs) qui dessert trois cages d’escaliers menant au déambulatoire inférieur de la cavea et à un local de service situé sous la loge d’honneur. On pénètre dans ce couloir en passant soit par la porta sanavivaria, qui conduit de l’avant-cour à l’arène, soit par la porta libitinensis, qui permet, à l’ouest, d’évacuer les cadavres et dépouilles d’animaux à l’issue des jeux.

Fig. 2 — L’arène et son couloir de service. Plan de restitution, éch. 1:500.

Ibid., plan 18.

3L’étude de la mise en place des dalles orthostates qui limitent le couloir de service du côté de l’arène et portent le dallage sur lequel on circule à la base des gradins, informée par quelques rares publications de monuments comparables sur ce point, nous a conduit, sur la pressante instigation de notre collègue Thomas Hufschmid, à restituer quatre portae posticae ouvrant sur l’arène, au voisinage des trois cages d’escalier et du local de service axial (fig. 2). Leur emplacement exact fut difficile à fixer : à la recherche de seuils qui pourraient convenir parmi les dalles de fondation des orthostates, nous avons découvert qu’elles étaient pour beaucoup des blocs de seuils récupérés et remployés. Quelques indices ont été tirés de l’examen des faces de joint de quelques orthostates dont la position a pu être assurée par leur emplacement de découverte, certains munis d’un oculus, ou par la configuration du lit d’attente des dalles de fondation, retravaillées pour recevoir ces orthostates. La solution proposée s’est donc inspirée à la fois des quelques représentations figurées antiques de tels dispositifs et de la nécessité statique d’un décalage de ces ouvertures par rapport aux escaliers menant aux gradins pour permettre la pose des dalles de couverture du couloir.

4Mais qui donc empruntait ce couloir de service ? On pensera bien sûr à des gladiateurs, disposés en attente à l’abri des regards, dans le local axial ou le long du couloir, et surgissant à l’improviste en divers points de l’arène. On peut songer aussi à des bêtes fauves, conduites jusqu’à ces petites portes dans des cages et lâchées dans l’arène lors de venationes. A ces acteurs principaux des jeux de l’amphithéâtre, on pourrait ajouter les musiciens et les arbitres, souvent figurés en bordure de l’arène sur quelques mosaïques, de Zliten ou de Nennig par exemple. Mais les cheminements possibles vers la base des gradins ont pu aussi permettre aux vainqueurs de rejoindre la loge de l’éditeur des jeux pour recevoir leur prix, ou encore à certains membres de la pompa inaugurale de gagner leur place en passant par l’arène.

  • 2 On distinguera ces accès de ceux, bien visibles, que sont les deux entrées monumentales desservant (...)

5Le couloir de service assure ainsi la liaison entre l’arène, lieu de gloire et de mort sacrificielle ou rédemptrice, souillé par les combats sanglants, et les gradins, où siègent le peuple et ses autorités disposés chacun selon son rang, mais tous réunis en l’honneur et à la gloire de l’empereur, garant de la paix et de la prospérité de l’univers. Liaison cachée, dispositif multifonctionnel destiné à créer l’événement, la surprise, le spectaculum2.

  • 3 Le seul aménagement comparable que nous connaissions, restitué à l’amphithéâtre de Segobriga, ne no (...)
  • 4 J.-C. Golvin, L’amphithéâtre romain, p. 344 et 357.
  • 5 M. Clavel-Lévêque, « L’espace des jeux dans le monde romain », p. 2439-2446 ; D. Fishwick, The impe (...)

6Propre aux circulations vers l’arène, ce caractère furtif se retrouve dans un autre dispositif de l’amphithéâtre d’Avenches, plus original. Il s’agit de l’escalier dérobé qui, dès le premier état de l’édifice remontant sans doute à 125-130 apr. J.-C., permet, à partir du vestibule de l’entrée orientale menant à la base de la cavea sud (fig. 1 : P, fig. 3), puis en passant sous les gradins, de rejoindre la terrasse qui surmonte l’entrée axiale donnant sur l’arène. Cette plate-forme elle-même pose problème : on n’en connaît nulle part ailleurs de semblable3 et il semble peu judicieux d’en faire une loge pour des spectateurs de haut rang. Comme l’a bien montré J.-C. Golvin, les meilleures places pour assister à un spectacle aux actions multiples comme les venationes ou les munera se trouvent sur le petit axe de l’édifice, et non sur le grand4. Mais à qui peut-on dès lors destiner cette terrasse orientale qui ne permettait pas une bonne vision des jeux de l’arène ? A un orchestre, comme on le voit dans les chapiteaux des cirques modernes ? Sans doute pas, puisque, dans les sources iconographiques, les musiciens sont toujours représentés dans l’arène elle-même. Nous avons proposé, à titre d’hypothèse restant soumise à discussion, d’y faire siéger l’assemblée des divinités qui ont participé à la pompa, représentées chacune par sa statue mobile ou son enseigne, et ainsi offertes en protectrices de la manifestation à la vue de l’ensemble du peuple réuni. Parmi ces divinités qui ont pu accéder à la terrasse par les escaliers, bien visibles, qui, partant du mur de podium, flanquent l’entrée axiale (fig. 4), on peut bien sûr compter aussi l’empereur lui-même. Mais son effigie a pu être l’objet d’une mise en scène particulièrement raffinée, sorte d’épiphanie de l’Auguste, surgissant sur la terrasse par l’escalier dérobé pour rejoindre l’assemblée des dieux, suscitant l’ovation du peuple. Là encore, apparition impromptue et ostentation soigneusement mise en scène ont pu se compléter selon des rituels qu’on connaît encore assez mal dans les provinces, mais dont le déroulement est mieux documenté à Rome, au Cirque Maxime il est vrai5.

Fig. 3 — L’escalier dérobé donnant accès à la terrasse orientale, à partir du vestibule P. Coupe restituée, éch. 1:250.

Ibid., plan 8.

Fig. 4 — Etat 1. Plan de restitution, éch. 1:1000.

Ibid., plan 10.1.

7Réalisés lors de la construction de l’amphithéâtre, ces aménagements originaux des circulations seront conservés tels quels lorsque, peu après 165 de notre ère, l’édifice est agrandi, sa cavea étendue, ses gradins multipliés. C’est essentiellement son aspect extérieur qui retiendra ici notre attention, manifestant un souci de monumentalisation et d’imitation des amphithéâtres « à structure creuse », entièrement bâtis de grand appareil comme le Colisée ou ceux de Nîmes et d’Arles. L’architecture aux parements de petit appareil, purement fonctionnelle, caractéristique du mur périmétrique et du mur d’analemma semi-circulaire délimitant l’avant-cour orientale (fig. 5), percé des trois baies cintrées très simples desservant la porta sanavivaria et les deux couloirs d’accès à la base des gradins, fait désormais place à un dispositif beaucoup plus imposant.

Fig. 5 — Etat 1. Restitution de la façade orientale donnant sur l’avant-cour, éch. 1:500.

Ibid., plan 13.

8La cavea, étendue et au profil plus raide, est dès lors supportée et retenue par un mur périmétrique massif englobant l’ancienne façade externe elliptique (fig. 6). Ce mur forme une large couronne percée d’accès plus nombreux (18 au lieu de 12 dans le premier état), débouchant, par des vomitoires désormais couverts, au niveau du 18e gradin de la cavea sud ou du 21e de la cavea nord, sur les 36 que compte désormais l’édifice, au lieu des 24 du premier état. Il présente en façade externe une succession de 61 niches semi-circulaires, une sur trois donnant accès à un vomitoire. Encadrées par un ordre d’applique à pilastres, elles reprennent le « Theatermotiv » caractéristique des édifices de spectacles bâtis en terrain plat. Un savant jeu de couleurs met en valeur les pilastres, traités en faux appareil à joints marqués en rouge sur fond d’enduit blanc, contrastant avec les niches, habillées d’un enduit pietra rasa réalisé en mortier ocre. Le déambulatoire et les escaliers d’accès qui desservent les vomitoires de l’extérieur de l’édifice, dominant toute la zone sacrée de la ville, offraient ainsi un point de vue panoramique sur la ville, tout en mettant en valeur la façade périmétrique qui couronne l’édifice. Le souci de monumentalisation est évident, manifestant l’importance accrue des jeux et des cérémonies qui se déroulent dans l’amphithéâtre, lieu d’agrégation sociale d’une population toujours plus nombreuse à se reconnaître comme partie prenante d’un mode de vie devenu, à Aventicum aussi, plus romain.

Fig. 6 — Etat 2. Plan-coupe de restitution au niveau des vomitoires, éch. 1:1000.

Ibid., plan 29.

  • 6 Pour l’argumentation sous-tendant cette restitution, cf. Ph. Bridel, L’amphithéâtre d’Avenches, p.  (...)

9Pour supporter l’extension de la cavea empiétant sur l’avant-cour, il a fallu bâtir un nouveau dispositif destiné à maintenir l’accès à la porta sanavivaria et aux vestibules qui la flanquent. Rompant la géométrie semi-circulaire du premier état, c’est une façade monumentale rectiligne, en grand appareil de grès, qui vient s’implanter sur la corde du segment central de l’arc décrit par le mur d’analemma original, qui disparaît ainsi sur la longueur utile au soutènement de la cavea étendue. Cette nouvelle façade prend l’aspect imposant d’un arc à trois baies encadrées d’ordres adossés sur piédestal, couronnés de frontons (fig. 7). Les vestiges conservés permettent une restitution quasi assurée, limitée en hauteur pour bien laisser apparentes les niches du mur elliptique manifestant la fonction de l’édifice6. Là aussi, la polychromie des matériaux souligne les articulations de la composition : gris du grès pour les blocs de grand appareil, blanc crème du calcaire urgonien des colonnes, bases et chapiteaux, jaune du calcaire hauterivien du petit appareil du mur semi-circulaire qui reste visible sur les deux tiers de sa longueur, le tout couronné par les teintes, déjà décrites, du mur périmétral à niches sous entablement.

Fig. 7 — Etat 2. Restitution de la façade monumentale donnant sur l’avant-cour, éch. 1:250.

Ibid., plan 23.

10A la manière des accès principaux des amphithéâtres bâtis (Vérone, Nîmes par exemple), distingués par un traitement architectural qui en souligne la fonction, et tel un arc de triomphe, cette nouvelle façade orientale de l’édifice avenchois est voulue comme un décor monumental digne d’accueillir la pompa organisée en l’honneur de l’empereur à l’occasion des jeux qui lui sont dédiés et dont le rôle civique se révèle toujours plus important avec la réorganisation des cultes locaux ou régionaux sous l’égide du culte de la maison impériale.

  • 7 Cf. supra, p. 263-292.

11On s’interrogera, pour conclure, sur la position de l’amphithéâtre dans le cadre de la ville et de la cité des Helvètes, en partant d’un constat topographique qui trahit sans doute une intention délibérée. Le grand axe de l’arène, la porta sanavivaria enfin dégagée lors des derniers travaux de réhabilitation du monument, apparaît comme orienté exactement sur un coude du mur d’enceinte situé au point le plus haut de son développement et passe aussi par le sommet du fronton du temple dit du Cigognier (fig. 8). Une telle perspective, qu’on ne pouvait probablement découvrir que du sommet des gradins ou du déambulatoire extérieur desservant les vomitoires, atteste que l’amphithéâtre était visible loin à la ronde et de tous les quartiers urbains, posé au sommet de la colline sacrée de la capitale des Helvètes comme la couronne tourelée symbolisant, sur les monnaies, l’autonomie des villes, ou mieux encore, comme une corona, récompense du vainqueur, dans l’esprit de l’idéologie impériale de la victoire bien étudiée dans ce volume par Thomas Hufschmid7. Sa construction, puis sa monumentalisation viennent apporter la dernière touche, symbolique par excellence, à l’organisation civique du paysage urbain, tant sacré que profane. La pompa, par un itinéraire qui reste à préciser, partie sans doute de la cour du temple du Cigognier, bordée de gradins où ont pu siéger les représentants des cultes fédérés de toute la civitas, après une étape au théâtre, qui pouvait accueillir des spectateurs plus nombreux pour des cérémonies et des représentations allégoriques dont on sait bien peu, puis un parcours encore incertain à travers les temples de la zone sacrée de la colline, rejoint désormais un édifice apte à recevoir près de 16000 amateurs des jeux de l’arène (fig. 9). Le peuple entier, disposé selon la hiérarchie sociale d’un empire désormais capable d’intégrer à sa vie civique les ressortissants de toutes ses provinces, assiste à cette forme de sacrifice propitiatoire pour la victoire et le salut de l’empereur et pour la prospérité et la conservation de l’univers que sont les spectacula de l’amphithéâtre.

Fig. 8 — Situation de l’amphithéâtre dans le cadre topographique de la ville délimitée par son enceinte, éch. 1:20000.

Ibid., plan 40.

Fig. 9 — Etat 2. Restitution informatique, vue cavalière de l’est.

Ibid., plan 42.1.

Internet   I   et  2

 


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