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Marine Il était un petit Navire 3e partie Pertes de la Royal Navy et de l’Armée Navale de la République (1793-1802)

Article fait par :Loïc Charpentier

Mis en ligne le 30/09/2018 à 07:46:16



Ilétait un petit Navire  3e partie
Loïc Charpentier
 
1e Partie  2ePartie   
Combat des frégates Réunion et HMS Crescent (17.10.1793)




 

Marins anglais et français ne cesseront de s’affronter, entre 1793 et 1802. Les batailles navales en ligne, comme celle du 3 Prairial (1er juin 1794) ou d’Aboukir (1er août 1798), qui voient s’opposer de puissantes escadres, constituent, néanmoins, des exceptions, car, si l’Anglois, en raison de sa supériorité numérique, recherche ce type d’affrontements pour anéantir la flotte française, cette dernière, après avoir encaissé quelques retentissants revers, préfère, elle, les éviter. Le désastre d’Aboukir est, en général, attribué à l’indécision de Brueys, contrevenant aux consignes de Bonaparte, qui lui avait sagement conseillé de reprendre la mer pour rallier Toulon ou, à défaut, de mouiller l’escadre dans l’abri de la rade toute proche d’Alexandrie ; néanmoins, les propres écrits de l’amiral, rédigés avant qu’il ne périsse au cours du combat, font état de contingences techniques et militaires beaucoup plus complexes que ne laissent paraitre certains avis péremptoires, émis, bien souvent, du fond d’un confortable canapé parisien, en totale méconnaissance de la « chose navale ».

NOTA: A ce sujet, je ne saurais trop conseiller à ceux d’entre vous qui ont un peu de temps libre, de se procurer, sur le site de la BNF-Gallica, le document « Détail du Combat Naval qui a eu lieu le 14 Thermidor an VI », véritable « brulot » qu’un certain Achard, lieutenant de vaisseau de son état, fraichement de retour en France, s’est empressé de lancer à l’encontre des amiraux français, qui commandaient durant la bataille, à savoir Brueys, mort au combat, Blanquet du Chayla, prisonnier, Decres et Villeneuve, qui avaient, eux, réussi à prendre le large, les accusant d’impéritie, de lâcheté et de trahison, y joignant, pêle-mêle, Truguet, Ministre de la Marine de novembre 1795 à juillet 1797 et superviseur de la première et calamiteuse expédition d’Irlande (décembre 1796), Villaret-Joyeuse, qui s’était vu retiré le commandement naval de ladite expédition, en raison de son opposition patente (mais justifiée) au projet, Trogoff, qui avait livré le port et la flotte de Toulon, aux Anglais, en 1793, Lelarge, commandant de la flotte de Brest, chargé des préparatifs navals de la seconde et tout aussi catastrophique expédition d’Irlande de 1798, tous, officiers d’origine noble, constituant, selon l’auteur, « ces hommes qui étaient la crasse de l’ancienne marine » (sic) ! Sachant que tous ces amiraux, hormis les deux défunts et Trogoff, qui avait jugé plus sage d’embarquer avec la flotte anglaise, mais y compris Villaret-Joyeuse - dont la déportation en Guyane, prononcée après la purge du 18 fructidor An 5, avait été rapidement commuée en une courte assignation à résidence dans l’Ile de Ré -, assumeront les plus hautes charges sous l’Empire, que certains d’entre eux conserveront, encore, après l’accession au trône de Louis XVIII, il y a fort à parier que le dénommé Achard, après la publication de son pamphlet assassin, aux incontestables relents rappelant les pires moments de la Terreur, aura jugé plus sage d’abandonner la carrière navale pour se consacrer à la culture du potiron.

Pour l’essentiel, la guerre sur mer se résume à des affrontements entre divisions - une division étant, en général, constituée d’une demi-douzaine d’unités - et une succession de combats « singuliers », comme celui de la frégate Ambuscade et de la corvette La Bayonnaise, évoquée plus haut ; j’ai soigneusement mis l’adjectif singulier entre guillemets car, en certaines occasions, quelques malchanceux, tant anglais que français, se retrouvent esseulés face à une division ou une escadre ; si, dans une situation de déséquilibre aussi patent, l’inflexible code de justice naval consent à autoriser la fuite – sans se dispenser, pour autant, de traduire le capitaine et l’état-major du « fuyard » devant un Conseil de Guerre, pour justifier du bien-fondé de sa décision - , encore faut-il que le bâtiment soit bon marcheur et que les conditions de vent et de mer lui permettent de s’échapper.
Les batailles navals ont toujours suscité des vocations d’écrivains, notamment chez les officiers de marine à la retraite ou en disponibilité mais pas que… un certain Eugène Sue, plus connu pour son œuvre, Les Mystères de Paris, se fendra, lui-aussi, d’une Histoire de la Marine Française, sous le règne Louis XIV. La période Révolution & Premier Empire n’y fera pas, non plus, exception et, dès la Restauration, des historiens s’y attèleront avec plus ou moins de talent et de souplesse d’échine vis-à-vis de la monarchie restaurée ; il faut donc se méfier de certains récits et de leurs narrateurs, qui n’hésitaient pas, pour plaire au régime, à jeter dans le même panier, révolutionnaires et serviteurs de l’Empereur déchu, quelque aient pu être leurs mérites, tout en effectuant d’élégants ronds-de-jambe quand il s’agissait d’un personnage encore en poste - çà vit vieux un amiral !-. La relation chronologique de ces actions, maintenant vieilles de plus de deux cents ans, a été menée par plusieurs historiens, dont un certain Onésime-Joachim Troude, ex-officier de marine, qui lui consacrera quatre monumentaux pavés de 500 pages, chacun, publiés, en 1867-1868, sous le titre de « Batailles Navales de la France » ; le temps écoulé depuis les événements garantit un minimum d’impartialité et de hauteur de vue de la part de l’auteur. Contrairement à ses contemporains, Onésime – oui, nous sommes devenus intimes, vu le temps passé ensemble ! - a eu l’amabilité de se fendre d’un inventaire annuel des unités perdues, détruites ou capturées, tant en Angleterre qu’en France. Comme je commence à vous connaitre, j’en vois, déjà, quelques uns qui soupirent… Pfuuuu… Il va nous noyer sous une pile de tableaux rébarbatifs !... C’est pas faux ! Sauf que, sans qu’il soit nécessaire que vous vous infligiez une revue de détails, la disproportion des listes respectives, certaines années, est, à elle seule, suffisamment parlante !
Les bâtiments de guerre y sont classés par types, vaisseaux de ligne, frégates, corvettes, bricks ; vous trouverez dans le Volume I de cette œuvre magistrale – la modestie est une de mes principales qualités ! - un déclinaison (suffisamment) détaillée, avec de jolies images, de ces différentes unités.

La Marine des Goddons

Remarque : Oui, je sais, je vous avais quasiment infligé le même paragraphe dans l'épisode précédent! Mais, un, je fais "kêske" je veux avec mon article, deux, comme vous êtes trop flemmards pour faire un retour en arrière, je vous facilite la vie!

Dans la Royal Navy, le classement était sensiblement identique, à quelques nuances près. Il existait deux classes de trois-ponts, 120-100 & 98-90 canons, eux-mêmes déclinés en 9 sous-catégories, en fonction du calibre des deuxième et troisième batterie, au-dessus de la flottaison, la batterie basse ou première batterie étant, elle, systématiquement armée du 32 livres (pounds), le plus gros calibre embarqué dans la Navy – en 1795, quelques vaisseaux britanniques portaient du 42 livres en batterie basse -, alors que la Marine française avait, elle, adopté le 36 livres. De surcroit, la livre anglaise ne faisant que 453 grammes, soit 10% de moins que notre livre nationale de 500 grammes, le boulet de 32 pounds, n’en pesait, en réalité, que 29. Autrement dit, avec une même batterie basse, percée à 15 (sabords), le poids de la salve de 32 livres, tirée par un Anglais, était de 15 x 29 livres, soit 435 livres ou 217,5 kg, alors que, côté français, la salve de 36 livres, expédiait 270 kg de ferraille.
A première vue, çà parait tout bon pour le canonnier français sauf que les pièces britanniques étaient de construction notablement plus légère, donc plus faciles à manœuvrer par ses servants, et, de toute manière, le canonnier britannique, mieux exercé, était indiscutablement plus rapide et capable de délivrer deux salves, quand son homologue français n’en lâchait qu’une.
Les deux-ponts (3ème classe), étaient répartis, comme en France, en 80 et 74 canons, mais la Royal Navy alignait encore un certain nombre de deux-ponts de 64 et 60 canons, et même une série de bâtiments, dits « hors-ligne », de 56 à 44 pièces (4ème et 5ème classes), qui n’étaient plus représentés dans la marine française, à l’exception de bâtiments de prise, comme ceux qui seront capturés à Venise.
Les frégates (5ème & 4ème classes) étaient armées de canons de 18 livres - 12 livres pour les plus petits échantillonnages - . Ces deux classes de bâtiments couvraient également la catégorie des corvettes françaises – dites corvettes de 20 -, la corvette et le brick (ou brig) étant souvent désignés sloop dans le vocabulaire naval britannique, sans la distinction française du nombre de mâts (3 pour la corvette, 2 pour le brick). Notre bon Onésime ayant classé tous les unités plus petites que la frégate, dans une catégorie fourre-tout, « bâtiments de rangs inférieurs », je me suis efforcé, avec les moyens du bord, dont des documents fiables d’époque, d’effectuer une ventilation plus fine.

Effectifs Marine Nationale & Royal Navy

Au 1er octobre 1791, la flotte française se compose de 246 bâtiments de guerre et de charge*, à flot ou en construction, dont :
86 vaisseaux (dont 10 en construction) : 3 de 118 canons, 5 de 110, 10 de 80, 67 de 74 et 1 de 64
76 frégates : 20 de 36 canons, 53 de 32 canons
47 corvettes et avisos de 26 à 4 canons
7 chaloupes canonnières portant du 24 et du 18
30 flûtes et gabares de 200 à 800 tonneaux.*
*NOTA : Le navire de charge est un transport armé ou flûte – rien à voir avec le pipeau ! -, soit construit pour ce rôle, soit par conversion temporaire d’un navire de guerre, on parle, alors, de bâtiment armé en flûte, en débarquant une partie de son artillerie pour libérer la ou les batteries afin d’y loger la cargaison ou des troupes, quand il s’agit d’un corps expéditionnaire. La standardisation, par la marine française, du 74, en tant qu’unité de base de la ligne, ayant, progressivement, mis au rencart la classe des deux-ponts de 54 & 64 canons, certains d’entre eux, compte-tenu de leurs dimensions respectables, finiront, ainsi, leur carrière, armés en flûte. La différence entre une flûte et une gabare réside, essentiellement, dans le tonnage.

La Royal Navy, de son côté, aligne, alors, 115 vaisseaux (tous à flot !) ; en chiffres purs - comme ils les aimaient, à l’époque - sa flotte de vaisseaux porte 8 718 canons, contre 6000 pour nous, mais le poids cumulé de sa volée sur un seul bord n’est que de 88 000 livres, comparée à nos 74 000 – ces chiffres sont exprimés en livres françaises (0,4895 kg) -, avantagées, sur le papier, par le poids de nos boulets de plus grands calibres.
Ces données purement théoriques, certes, d’usage courant au XIXème siècle – je les ai dénichées dans le premier tome de Guerres Maritimes sous la République et l’Empire, commis par Edmond Jurien de la Gravière (1812-1892), contre-amiral de son état, converti en auteur très prolifique, une fois mis en disponibilité -, sont assez étonnantes sous la plume d’un marin, car, si, sous certaines conditions de combat, le poids de la volée est, effectivement, à prendre en considération, l’élément humain, les caractéristiques de la plate-forme de tir, l’état de la mer, les conditions météo en sont, eux, totalement, absents. Ainsi, par mer formée, la plupart des trois-ponts ne peuvent utiliser leur batterie basse, sous peine de la noyer, en embarquant des paquets de mer par les sabords ouverts ; de même, un bâtiment qui gite fortement, sous l’effet du vent et de sa voilure, ne peut, bien souvent, utiliser sa batterie basse, sur le bord sous le vent (côté opposé au lit du vent), alors que le bord au vent est rapidement aveuglé par la fumée de ses tirs, rabattues par le vent, etc.
Je pense qu’il faut prendre en compte la proximité de l’auteur avec la cour de Napoléon III et son manque d’engouement (euphémisme !) pour la IIIème République, qui lui a succédé ; tout en le formulant avec élégance et une modération apparente, il insiste bien sur les qualités de la flotte française de Louis XVI et les impérities coupables des Révolutionnaires dont elle sera la première victime (militaire).
Ce dernier constat n’est pas totalement faux pour de nombreuses raisons, dont l’une est le contexte inégalitaire qui régnait dans la Marine ; pour les plus extrémistes de « nos » hommes politiques et cadres qui ont dirigé la France, aux pires heures de la Révolution, la période 1793 à 1795, baptisée, depuis lors, « La Terreur », durant laquelle le gouvernement de Salut Public a exercé le pouvoir, la « Royale » constituait l’exemple même des excès du pouvoir monarchique. Un simple pioupiou pouvait espérer, par ses actes de bravoure et sa « foi révolutionnaire », grimper dans la hiérarchie de l’Armée de Terre ou même l’Artillerie, mais de telles promotions étaient totalement à écarter dans la marine, ne serait-ce que pour de bêtes raisons de compétences techniques. Après un an de combat, un simple fantassin pouvait être propulsé à la tête d’une compagnie, voire d’un régiment, mais ce n’était pas le cas pour un matelot ou un quartier-maitre, car il fallait dix ans pour former un officier de marine, vingt, pour obtenir un commandant de bâtiment à peu près capable. Les rares « grandes gueules », étiquetées « révolutionnaires exemplaires », qui seront bombardées officiers, durant le gouvernement de Salut Public, se révèleront être totalement incompétents et, après son éviction du pouvoir, seront confinés à des tâches mineures sans aucun espoir de promotion ou carrément rétrogradés. Nos révolutionnaires les plus intransigeants et irréductibles seront trop contents de trouver, pour commander les escadres et les grandes unités, des officiers « nobles », qui, par sens du Devoir, étaient restés fidèles à une République, qui ne les avait, pourtant, pas épargnés, et dont les représentants agitaient, en permanence, la menace de la guillotine – la demande de Jean Bon Saint André, ordonnateur au Ministère de la Marine, qui avait exigé d’en embarquer un exemplaire sur les grandes unités était, quand même, restée sans suite ! -, à la moindre peccadille ou pour ce qu’ils considéraient comme un acte de traitrise, tel qu’un vent contraire empêchant au bâtiment d’engager le combat dans des conditions acceptables... Si je vous dis! Faites-moi confiance ! A sa décharge, la République était, alors, dans une position difficile ,contrainte de faire face, à ses frontières, à l’Angleterre, l’Autriche et l’Espagne – 1ère Coalition -, à l’intérieur, au soulèvement chouan, sans compter la menace quasi-permanente de renversement politique (sur sa Gôche, sa Droâte, de la part des Monarchistes … c’est d’ailleurs ce qui tombera sur la tronche Du Gouvernement de Salut Public, en octobre 1795 !)

Les deux tableaux, ci-après, récapitulent, chronologiquement et de haut en bas, les gouvernances françaises en place durant l'année de référence, le contexte conflictuel avec nos voisins, les grands évènements diplomatiques (traités de paix) et, enfin, les opérations & batailles navales remarquables - ne venez pas me dire que c'est compliqué, car, même moi, je me suis compris, c'est pour dire! -.
 



Une série de tableaux annuels (1793-1802) des pertes comparées de la Marine française (sur fond bleu) et de la Royal Navy (sur fond rouge).
Ils sont suffisamment parlants pour ne pas nécessiter de commentaires.Vous noterez facilement la tendance à l'équilibre qui s'instaure à partir de 1797 - même si nous prenons une tôle sévère, à Aboukir, en 1798 -.













 

 
 

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