En 1679, François III d’Aubusson, comte puis duc de La Feuillade (1631-1691), maréchal de France, conçut le projet d’une place dédiée à Louis XIV, sorti victorieux de la Paix de Nimègue, et d’un monument à la gloire du roi. Cet habile courtisan passa aussitôt commande d’une statue colossale en pied du souverain, que le sculpteur Martin Desjardins tailla dans le marbre. Disposée dans l’hôtel parisien du duc de La Feuillade en 1681, où le roi la vit, elle fut finalement envoyée à Versailles, en 1683. Le sculpteur imagina un second monument, plus ambitieux, destiné à être fondu en bronze.
Pour dégager suffisamment d’espace, La Feuillade fit détruire l’Hôtel de Ferté-Senneterre, qu’il venait d’acquérir, ainsi que l’Hôtel d’Hémery, propriété de la Ville de Paris, désireuse de s’associer à l’hommage au roi. Le maître-maçon Jean-Baptiste Predot se chargea des démolitions et des expropriations. Jules Hardouin-Mansart, Premier architecte du roi, se chargea, quant à lui, des travaux, et conçut un modèle inédit de place circulaire.
Disposé en 1685, le monument de Desjardins fut inauguré le 26 mars 1686, alors que les travaux de construction de la place débutaient à peine, en présence du Dauphin, fils de Louis XIV. Ces travaux s’engagèrent tardivement, entre 1687 et 1690, sous l’autorité de Predot. La belle ordonnance imaginée par Hardouin-Mansart s’imposa bien sûr aux hôtels voisins qui « débordaient » sur la place, notamment au vieil Hôtel de Rambouillet de La Sablière, situé à l’angle de la rue des Fossés-Montmartre, actuelle rue d’Aboukir.
Selon le style caractéristique d’Hardouin-Mansart, la façade des hôtels bordant la place des Victoires comprend un soubassement à bossages continus, puis deux niveaux ornés de pilastres colossaux, à chapiteau ionique. Ce soubassement, sommé d’une corniche en forte saillie, supporte un balcon filant sur toute la largeur de chaque façade, sous un comble brisé, percé de lucarnes de formes différentes, disposées en alternance.
Des mascarons (ici, peut-être une bacchante coiffée de feuilles de vigne et de grappes de raisin) figurent les clés des arcs en plein cintre du soubassement. Hardouin-Mansart reprit le même système décoratif quelques années plus tard, pour la place Louis-le-Grand, actuelle place Vendôme.
La statue pédestre du roi, commandée par La Feuillade à Martin Desjardins, représentait Louis XIV en costume d’apparat, couronné par la Victoire, et piétinant un cerbère représentant la « Quadruple-Alliance » vaincue.
Le piédestal, orné de bas-reliefs et de médaillons, était entouré de quatre statues de captifs en bronze, qui symbolisaient les nations vaincues à la Paix de Nimègue, en 1679. Ces esclaves portaient les noms de l’Espagne, de l’Empire, du Brandebourg et de la Hollande, chacun exprimant un sentiment différent dans l’épreuve de la captivité : la révolte, l’espérance, la résignation et l’abattement.
Ce groupe sculpté (la figure du roi et l’allégorie de la Victoire) fut détruit à la Révolution. Les bas-reliefs de bronze ornant les faces du piédestal, ainsi que les figures disposées à chaque angle, échappèrent miraculeusement à la folie destructrice des Révolutionnaires
En 1810, une statue du général Desaix en guerrier de l’antiquité fut disposée au centre de la place, avant d’être retirée pour cause d’atteinte à la pudeur (le héros militaire était représenté entièrement nu). En 1816, Louis XVIII décida de restituer l’hommage à Louis XIV, et fit exécuter une statue équestre par François-Joseph Bosio : le roi, vêtu à l’antique, chevauche désormais un cheval cabré. Le socle de marbre blanc reçut deux reliefs représentant Le Passage du Rhin et L’Institution de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis.
Les statues des captifs Tiré de ce site La place des Victoires a une genèse singulière puisqu’elle est voulue par François, vicomte d’Aubusson, duc de la Feuillade (1625-1691), afin de célébrer la fin de la Guerre de Hollande et la victoire de l’armée française grâce au traité de paix de Nimègue (1678). En tant que Maréchal de France, il rend hommage de manière humble et vertueuse à son souverain par un monument démontrant la supériorité écrasante du royaume de France et faisant acte de charité par la création d’une place pour la Ville de Paris. Elle est donc la première place voulue et créée par un particulier afin de célébrer son souverain ; cet exemple fera de nombreuses émules dans les villes françaises les plus importantes du règne de Louis XIV.
Inaugurée en 1686, la place royale des Victoires est également une nouveauté urbaine dans le paysage parisien du XVIIe siècle grâce à la volonté du duc de la faire bien éclairer grâce à quatre imposants pylônes en marbre richement décorés. Jules Hardouin Mansart prend en charge la création de cet espace au sein duquel trônait un monument de grande importance mettant en exergue la puissance politique, militaire et artistique du roi.
Pour exécuter cette œuvre sculptée, Martin Van den Bogaert, dit Martin Desjardins, est choisi. Artiste d’origine néerlandaise admis à l’Académie royale de peinture et de sculpture (1671), il travaillait déjà à la cour de Versailles et avait exécuté plusieurs pièces pour différents commanditaires. Afin de rendre gloire à Louis XIV, l’artiste réalise une statue pédestre en bronze du roi couronné par la Victoire, sur un piédestal décoré de bas-reliefs et surtout flanqué de quatre figures en bronze de captifs incarnant les différentes puissances assujetties par l’armée royale. De ces œuvres fondues (pour les bronzes) et détruites à la Révolution, seuls subsistent les captifs ainsi que les bas-reliefs et les médaillons.
Les Quatre Captifs incarnent donc chacun une puissance vaincue par l’armée française. L’Espagne est symbolisée par un éphèbe nu dans le style antique, dont le corps est en action et le regard levé vers le ciel semble encore plein d’espoir. Il est enchaîné et assis sur ses propres armes : un bouclier et un glaive, inspirés de l’antiquité. Toutefois à ses côtés, des enseignes et une lance brisée symbolisent bien sa soumission. L’Empire germanique est représenté sous la figure d’un homme d’âge mûr, barbu, las et courbé sur lui-même, incarnant ainsi l’abattement et la résignation dus à la captivité. La Hollande, incarnée par un homme légèrement barbu, aux cheveux coupés courts et au regard déterminé et farouche, est l’image même de la révolte. Il est non pas assis comme les autres mais avec un genou à terre et les muscles clairement tendus, prêt à se relever et à se défaire des chaînes qui l’entravent. La quatrième figure est le Brandebourg, dont la musculature est cette fois-ci cachée par un habit antique, en référence aux peuples celtes et gaulois. L’homme représenté plus âgé est résigné face à son sort et semble même demander grâce aux vainqueurs, par le biais de son regard éloquent et désespéré, qui peut être rapproché de la tête du Laocoon, statue antique célèbre, conservée dans les collections pontificales à Rome.
De manière habile, Desjardins habille et rythme le piédestal grâce à la présence de trophées guerriers positionnés à côté des guerriers vaincus (rajoutés en 1685) : armes, enseignes et boucliers sont visibles à leurs côtés et à leurs pieds. Dans un regard tourné vers les exemples antiques, bien présents dans les collections royales et symboles de puissance dans une cour européenne au XVIIe siècle, Martin Desjardins signe une œuvre impressionnante et forte, montrant sa grande technique et ses connaissances artistiques dans le traitement des expressions.
Véritable triomphe offert à Louis XIV par l’un de ses plus habiles courtisans, ce monument humilie les quatre puissances ennemies alors qu’elles deviennent également des alliées de la France par le biais des traités, des alliances et des mariages princiers. Cette vision écrasante du pouvoir régalien est critiquée dès le XVIIIe siècle pour l’absolutisme qu’elle incarne.
En 1792, la statue dorée de Louis XIV est abattue et fondue comme symbole puissant et abject de la monarchie absolue et des valeurs d’humiliation et de servitude qu’elle entraîne. Les Captifs sont sauvés du vandalisme, par leur identification en tant que vaincus et esclaves à libérer du joug de l’oppresseur. Leurs chaînes sont symboliquement brisées et ils échappent à la fonte pour être déposés en 1804 à l’Hôtel des Invalides. Emblèmes d’un règne despotique et puissant, ainsi que d’un courtisan faisant preuve d’évergétisme, les Captifs ont pourtant tenu un rôle bien différent à la Révolution pendant laquelle ils ont été perçus comme les nations délivrées par les Lumières.
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