Bataille 1896 Adoua Italie Vs Abyssinie Ethiopie
Les Italiens prennent pied en Érythrée en 1882 lorsque la société italienne Rubattino achète un terrain au sultan local pour y construire un port.
L'Italie achète alors les terres à des propriétaires privés et commence à agrandir ses possessions et le 1er janvier 1891, la création de la colonie de l'Érythrée italienne est annoncée. Mais les Italiens voient plus loin et la colonie doit être étendue,aussi ils lorgnent sur les terres du Tigré et de Bogos qui appartiennent à l’Abyssinie. Aussi progressivement les Italiens commencent s’empare de ces territoires .
Mais pourquoi la guerre a-t-elle éclaté
La raison doit être cherchée dans un traité d'amitié et de commerce entre l'Italie et l'Abyssinie conclu le 2 mai 1889 dans la ville d'Ucciali.
Le "Négus Negesti" ("Roi des Rois") Ménélik II a reconnu qu’une partie des territoires des provinces de Bogos, Tigray, Hamasin, Akele Guzai, Serai et Asmara seront italiens mais dans l'article 17 du traité en version amharique, il était écrit : "Sa Majesté l'Empereur d'Éthiopie peut utiliser les services de Sa Majesté le Roi d'Italie pour les négociations sur toutes les questions qu'il pourrait avoir avec d'autres puissances et gouvernements." Alors que sa version italienne, au lieu du mot « peut on trouve le terme « convient », que les italiens ont interprété comme « doit ».
Ce qui permait aux Italiens de considérer l'Abyssinie comme leur protectorat, ce dont le roi Humbert ne manqua pas d'informer toute l'Europe. Le Négus désapprouva catégoriquement cette interprétation et, en 1893, le traité fut rompu
Les bruits de bottes commencent à se faire entendre.
Il faut savoir que Ménélik II avait joué dans un premier temps la carte Italienne
En effet après la mort de l'ancien Négus Yohannis IV dans la bataille contre les Mahdistes soudanais, il s'est proclamé le nouveau Négus, malgré ses origines Il était issu d’une branche collatérale de la dynastie.
Sa nomination fut soutenue par l'Italie, ce qui fut la raison de la conclusion du traité d'Uchchala. Mais devenir une marionnette italienne ne faisait pas partie des plans du Négus Negesti
Réalisant que l'Abyssinie féodale ne serait pas en mesure de combattre l'Italie à armes égales à elle seule, Ménélik II commença à chercher des alliés. Et il les a trouvés ! du coté de la France et de la Russe
La société russe était plutôt favorable aux tentatives du pays orthodoxe africain bien que les différences entre la version éthiopienne du christianisme pré-chalcédonien et l'orthodoxie soient assez importantes, .
Des aventuriers russes se rendent en Afrique pour aider le souverains mais aussi s’enrichir Il convient de mentionner que le premier fut Nikolaï Ashinov, l’autoproclamé « ataman des Cosaques libres », un groupe de contrebandiers qui comprenait des sujets turcs, les Cosaques de Nekrasov et d’autres individus obscurs de nationalités caucasiennes (y compris des Kurdes et des Circassiens). Ashinov a même créé un « nouveau village de Moscou » sur le territoire de Djibouti, qui n'a pas résisté à une attaque navale de croiseurs français.
 |
Wagner avant la lettre |
Viktor Machkov a ensuite fait une belle carrière diplomatique.Il y a eu ensuite l'expédition du lieutenant Viktor Mashkov, organisée par le département militaire russe comme mission de renseignement et de reconnaissance. Machkov s'est rendu en Abyssinie sous le couvert d'un civil mais cette fois avec le soutien du ministère russe des Affaires étrangères et du ministère de la Guerre. Un pré Wagner en somme
Les Français, se sentant coupables de la destruction du « village du Nouveau Moscou » ont fourni à Mashkov toute l'aide possible et ont même assuré la formation d'une caravane. Il faut dire que l’alliance France Russe se profil à l Horizon
Reçu par Ménélik II, il lui transmet une lettre à l'empereur russe Alexandre III, exprimant le désir d'établir des relations diplomatiques. Après son retour, Machkov a été décoré de l'Ordre de Saint-Pétersbourg. Vladimir IVe degré et a été accepté comme membre de la Société géographique russe (RGS).
La deuxième expédition de Machkov donna lieu à un échange de lettres dans lesquelles Ménélik se plaignait des Italiens et leur demandait de soutenir sa protestation contre le traité d'Uchchal. Et dans une lettre au ministre de la Guerre P.S. Vannovsky, le Négus Negesti a demandé d'envoyer des instructeurs militaires russes pour réorganiser l'armée. Cependant, Saint-Pétersbourg ne voulait pas trop s'impliquer dans la politique africaine et décida de faire une pause dans les relations, attendant de voir comment le conflit entre les Abyssins et les Italiens allait se terminer.
Entre en jeu alors l'un des aventuriers les plus actifs le capitaine à la retraite de l'armée cosaque du Kouban Nikolai Leontyev, qui est arrivé pour la première fois en Abyssinie en 1894 à la tête d'un détachement de 11 personnes. Arrivé au palais du Négus à Entoto en mars 1895, Nikolaï Stepanovitch fut reçu par Ménélik, se vit accorder le titre de comte Abaï et retourna en Russie avec une lettre du Négus Negesti à Nicolas II.
Suit l envoi d’une 'expédition de nature scientifique et organisée par la Société géographique russe.
 |
Guerriers abyssins |
Mais ce qui était le plus important pour Menelik ce n était pas une correspondance épistolaire avec le Tsar mais bien et bel une aide militaire
Et elle arrive sous la forme d’un groupe de volontaires russes avec officiers de toutes les branches de l’armée et des ambulanciers
Mais ,ils arriveront au plus fort de la guerre qui avait commencé.
Une cargaison de fusils russes avec cartouches cinq mille sabres de cavalerie et une certaine quantité d'obus d'artillerie livrés à l'Abyssinie Leontyev a négocié des livraisons à un prix réduit par l'intermédiaire de l'homme d'affaires français L. Chefne. De plus, les Français ont fourni aux Abyssins des canons et de nombreux fusils à silex - complètement obsolètes, mais qui tiraient ! En général, lorsque l'armée du Négus est décrite comme une foule de sauvages armés d'arcs et de lances, il convient de rappeler qu'au moins certaines unités étaient armées et entraînées à la manière russe.
Oreste Baratieri - Garibaldi, Chemise rouge, Général
Coté Italien
Le général Oreste Baratieri a été nommé gouverneur italien de l'Érythrée en 1891. Il avait fait partie de chemises rouges de Giuseppe Garibaldi .Mais il n’avait aucune formation militaire, et avoir combattu sous les ordres de Garibaldi qui était loin d’être le meilleur chef militaire,n’était pas une référence
Mais les troupes italiennes étaient bien armées et entraînées à l'européenne, donc l'expédition pour amener Ménélik à la table des négociations semblait être à la portée des Italiens
Après tout, en 1894, le détachement italien du major Pietro Toselli a facilement réprimé la rébellion de Bhat Hagos en Érythrée, et le 12 janvier 1895, Baratieri lui-même, à la tête de 105 soldats italiens, 66 officiers et 3712 19 « ascaris » - mercenaires locaux - a vaincu les combattants de Ras Mengesh à Coatit (en réalité, le résultat de la bataille était un match nul, mais les Italiens considéraient cela comme leur victoire). Et maintenant, le général italien avait des forces considérablement plus importantes sous son commandement, et pour la plupart, il s'agissait d'Italiens, et pas seulement d'askaris et de milices locales !
Les troupes du Negus et Italiennes
 |
Oreste Baratieri |
Les guerres coloniales se déroulaient généralement en mode rapide : les Européens lancent une offensive rapide, puis passaient beaucoup de temps à installer des forts et des bases d'approvisionnement sur le territoire capturé, sur lesquels ils pouvaient lancer la prochaine offensive rapide car une armée moderne ne peut pas opérer dans la nature. Les Italiens ne faisaient pas exception et ils menèrent la guerre contre les Abyssins exactement de cette manière : une offensive, la construction de forts, la livraison de munitions et de nourriture suivi par une nouvelle offensive.
 |
Mais l’Abyssinie était un pays trop grand pour ce type de guerre. Pendant que Baratieri se retranchait, Ménélik réussit à rassembler une armée dont la taille n'est pas précisément connue, mais qui est aujourd'hui souvent estimée à 80000 -100000. Il y en avait probablement un peu moins mais 80% étant armées de fusils
Mais les troupes des Abyssins étaient composées de troupes des seigneurs féodaux locaux, qui n'obéissaient pas toujours à Ménélik et faisaient souvent la guerre aux Italiens à leurs risques et périls et des troupes du Négus
 |
Le Négus Negesti a installé son camp dans la région de la ville d'Adwa. La majeure partie de son armée était composée d'infanterie, mais il y avait aussi des cavaliers. Environ la moitié des combattants étaient équipés d’armes modernes, dont certaines étaient plutôt performantes. Son artillerie était composée de 42 canons de montagne Hotchkiss, qui, selon certaines sources, étaient commandés par Leontiev et des conseillers militaires russes (bien qu'officiellement le chef artilleur de Menelik était Balchi Safo).
Baratieri divisa son armée forte de 17 70 hommes :en plusieurs colonnes , Baratieri lui gardait avec lui t 14000 Italiens et des troupes Ascaris ,Le restant des troupes étant dispersée dans diverses garnisons
Les quatre colonnes, étaient commandées par les généraux de brigade Matteo Albertone, Giuseppe Arimondi, Vittorio Dabormida et Giuseppe Elena.
Le 29 février 1896 au soir il rassembla ses généraux et annonça son intention de... battre en retraite Sa décision pose diverses questions soit l'ancien Garibaldien ne se faisait aucune illusion sur son talent militaire, soit il décidait simplement de faire traîner les choses : l'armée de Ménélik connaissait de gros problèmes d'approvisionnement et pouvait bientôt "s'effondrer"
En effet ces milices, rassemblées dans la forêt près des pins, commenceraient à se disperser
. Mais ses subordonnés insistèrent pour une offensive : comme le disait Dabormida, « l’Italie préférerait la perte de deux ou trois mille hommes à une retraite sans gloire ! » Baratieri réfléchit plusieurs heures et prit finalement une décision : à minuit, les troupes italiennes se mirent en route en quatre colonnes vers la ville d'Adwa.
 |
Le plan suivi par les Ethiopiens à Adoua
|
Le général décida de jouer défensivement, il partit donc la nuit pour prendre position sur les collines près d'Adwa le matin Son plan répondre par le feu à l'attaque de Menelik, après quoi il contre-attaquerait et les vaincrait. Cependant, les facteurs suivants ont joué contre Baratieri : les Italiens ne disposaient pas de cartes précises de la région, seulement de plans approximatifs ; il n’y avait presque pas non plus de cavalerie pour assurer une reconnaissance efficace ; La marche nocturne elle-même n’était pas organisée de la meilleure façon. Il n'était donc pas possible d'atteindre des positions à partir desquelles les colonnes pouvaient se soutenir mutuellement par le feu.
 |
Tout a commencé avec le fait que la colonne du flanc gauche d'Albertone t composée principalement d'Ascaris se déplaça beaucoup plus rapidement sur un terrain accidenté que les soldats italiens.
En conséquence, Albertoni remarqua le matin que son détachement était isolé des trois autres colonnes. De plus, ayant occupé une colline qui lui semblait être Chidan Meret, le général de brigade apprit des guides qu'il s'agissait de la colline d'Era, .Aussi à 5 heures 30 il ordonna à son détachement de se déplacer vers le véritable Chidan Meret, s’isolant encore plus des forces principales. En conséquence, à 6 heures du matin, il subit la première attaque de l'armée abyssinienne.
D'abord, les Italiens furent attaqués par l'armée tigréenne sous le commandement des Mengeshi et Alula Ras, puis vinrent les unités de Negus Tekel Haymanot, des Makonnen et Mikael Ras, puis les troupes de Wagshum Guangul et des Olye Ras. En bref, une brigade italienne s'est retrouvée face à la quasi-totalité de l'armée de Ménélik
Au début, les batteries de montagne d'Eduardo Bianchini et d'Umberto Masotto infligent de lourdes pertes aux Abyssins, mais bientôt l'artillerie du Negus Negesti entre en jeu avec ses canons Hotchkiss à tir rapide, déployés au pied du mont Abba-Gerima, remportent la bataille de contre-batterie contre les Italiens. La brigade d'Albertoni a résisté pendant 2 heures, mais a été forcée de se rendre partiellemen ou de retraiter vers la brigade d'Arimondi. Le général de brigade lui-même fut fait prisonnier.
 |
Les généraux Arimondi et Dabormida tués à Adwa |
Puis ce fut le tour de la brigade Arimondi. Baratieri, ayant entendu à 6h30 du matin tirant le bruit du canon sur son flanc gauche, il envoya la brigade du flanc droit de Dabormida pour soutenir Albertone, et ses positions sur Rebbi Arieni furent reprises par Arimondi.
La brigade de réserve d'Elena était rassemblée dans un creux derrière la montagne. Ayant reçu le rapport d'Albertone à 7 heures du matin selon lequel il était sous une forte attaque ennemie, Baratieri ordonna à Arimondi d'aller également au secours de la colonne du flanc gauche et envoya Elena à Rebbi Arieni.
A 9 heures du matin, alors qu'Arimondi prenait position sur le Rayo, les blessés d'Albertone commencèrent à y arriver. À 9h30 Le flux de blessés s'est accru suivit du reste de la brigade vaincue. Mais comme la brigade vaincue était composée d'askaris locaux, les Italiens furent trompés visuellement et les troupes du Négus qui suivaient les 'askaris d'Albertoni vont pénétrer la position forcèrent l'armée Italienne à un combat au corps à corps, dans lequel la supériorité numérique change le cours de la bataille même si on a des armes modernes. Attaquée sur trois côtés, la colonne se rendit à midi après la mort du général de brigade Arimondi au combat, mais des unités isolées au sommet de la colline combattirent jusqu'à la tombée de la nuit, et ce n'est qu'à l'aube du 2 mars que les Abyssins occupèrent Rayo.
Avanti ragots ! La dernière bataille de la brigade Dabormid
Au même moment, la brigade Dabormida fut attaquée par les Abyssins : son 2e bataillon à l’arrière fut complètement isolé, et à 9 heures du matin, les troupes du Negus Negesti battirent les compagnies avancées et atteignirent la ligne de bataille principale de la colonne de flanc droit. Les Italiens occupaient une position forte sur les collines escarpées et purent se défendre avec succès, mais à midi, Dabormida ordonna une attaque, laissant le 4e bataillon d'infanterie de De Amici couvrir ses arrières.
Les Abyssins de Ras Alula tentèrent de se faufiler entre les forces principales de la brigade et le bataillon de couverture, mais toutes leurs attaques furent repoussées. Cependant, à 14 heures, Dabormida était presque encerclé
Alors que less soldats épuisés commençaient à manquer de munitions. En criant : « Avanti, ragazzi ! (En avant, les gars !) Perçons avec des baïonnettes ! », le général de brigade mena ses soldats dans une attaque finale, qui permit à sa colonne de commencer sa retraite à 00h16, mais il conduisit accidentellement ses troupes dans une vallée étroite, où elles furent attaquées par la cavalerie oromo de Ras Mikael. La brigade a été détruite, et Dabormida fut tué.
Des prisonniers italiens enterrent ceux tués à Adowa
Les restes de l'armée italienne se retirèrent sous la menace de la cavalerie abyssinienne, et ce n'est qu'après 20 kmss que la poursuite cessa.
Mais des feux furent allumés sur les collines et Ménélik donna l'ordre aux paysans locaux d'attaquer l'ennemi en retraite.
Les troupes vaincues vont marcher toute la nuit, traverser la rivière Beslesa au matin et ont atteint l'Érythrée le 4 mars.
Les pertes italiennes s'élevèrent à environ 7000 tués 1500 blessés et 1500 prisonniers Les Abyssins traitaient les Européens de manière assez humaine, mais ils se sont livrés à toutes sortes de violences contre les Askari : ils leur ont coupé la main droite et le pied gauche à tous, et la plupart d'entre eux sont morts d’hémorragie suite à ces amputation .
Saint Georges aide les Abyssins à faire face aux Italiens
La bataille d'Adwa est devenue le premier exemple de résistance réussie des Africains aux colonisateurs européens : les Européens avaient réussi à infliger des défaites auparavant voir les guerres contre les Zoulous mais seul Menelik a réussi à gagner une bataille et ensuite à signer un traite de paix assurant l'indépendance du pays.
Le 23 octobre 1896, un traité rédigé en français fut signé à Addis-Abeba, mettant officiellement fin à la première guerre italo-éthiopienne. Les Italiens ont versé à Ménélik II une contribution de 10 millions de lires, déguisée en « compensation pour l’entretien des prisonniers ». Cependant, les Italiens conservèrent la plupart des territoires conquis pour eux-mêmes :
Pourquoi le Royaume d’Italie va conserver ces territoires ? D’aucuns pensent que Ménélik craignait de ne pas pouvoir soutenir une autre campagne .
1
La suite du Match aura lieu en 1936 mais cela est une autre histoire Voir carte ci dessus